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Tandis que le saké est depuis longtemps dans les petits papiers des sommeliers les plus éclairés de notre pays et que le shochu a gagné les faveurs du monde de la mixologie, il n’est guère exagéré de dire que le monde de ces alcools japonais demeure malgré tout assez opaque pour le néophyte et affirmer avec force que certains termes mériteraient sans doute des éclaircissements.

Quel est par exemple cette boisson qui tient (légitimement) toute sa place dans l’intitulé de notre « Grand Concours des Honkaku-shochu & Awamori » ? Voyons-ça ensemble.

Qu’est-ce que l’awamori ?

Avant tout, il convient de rappeler qu’il s’agit du plus ancien alcool distillé au Japon puisque son histoire remonte à environ 600 ans dans l’archipel des Ryūkyū (ancien nom des îles d’Okinawa). On dit par ailleurs que le shochu de l’île de Kyūshū en tirerait son origine de par la proximité géographique de ces îles. Un historien nommé HIGASHIONNA Kanjun établira même un parallèle en 1933 avec la boisson thaïlandaise « Lao Khao » (de fait, des relations sont avérées depuis les années 1470 entre les deux royaumes). Cette boisson a longtemps été surnommé « saki » dans le dialecte local. L’appellation « awamori » apparaît pour la première fois en 1671 sur une liste de tributs offerts au shogun Tokugawa de l’époque. Les étymologistes se déchirent pour savoir d’où vient ce terme et si certains évoquent la piste d’un mot issu du sanskrit (awamuri) d’autres l’expliquent assez maladroitement par l’expression awa o moru qui pourrait être traduite par « faire des bulles ». Quoi qu’il en soit, l’awamori apparaît dès l’époque Edo comme une boisson prisée grâce à ses vertus supposées médicinales.

À partir de quoi est produit l’awamori ?

Les producteurs utilisent du riz thaïlandais (le riz indica), qu’ils transforment en malt de riz grâce au kurokōji (le kōji noir – là où le saké et le shochu exigent du kōji blanc ou kōji jaune) et auquel ils ajoutent de l’eau et de la levure. Pourquoi ce choix ? Parce que cette sorte de kōji a pour mérite de mieux contenir l’activité des micro-organismes qui vont permettre l’élaboration de cette boisson, sous un climat tropical et humide. Quant au parti d’utiliser volontairement une variété de riz étrangère, c’est parce que celle-ci étant plus dure et moins collante que les variétés domestiques, elle est d’autant plus facile à travailler (elle facilite ainsi la gestion de la température lors de la fermentation) tout en apportant également une plus forte teneur en alcool. Les méthodes sont toutefois similaires à celles qui permettent la fermentation du riz pour produire du saké.

Comment est élaboré l’awamori ?

Le mélange obtenu (appelé moromi) est laissé fermenter pendant deux semaines. C’est la première étape. La deuxième consiste en une simple distillation atmosphérique (à la différence du shochu) dans un alambic traditionnel chauffé directement par des flammes. Quatre heures permettent d’obtenir un distillat qui titre à 70%. Le producteur procède ensuite à une dilution en ajoutant de l’eau de source pour réduire le volume d’alcool aux alentours de 35% (une variété d’awamori appelé hanasake est dilué à hauteur de 60%).

L’awamori est-il vieilli ?

Pas obligatoirement. Il peut être embouteillé et commercialisé immédiatement mais la plupart des producteurs sont très attachés à ce processus. Ils utilisent des jarres de terre cuite (appelées kamé) dans lesquelles l’awamori dormira 3 ans : on parle alors de « kusu » (les kanjis pour transcrire ce terme sont les mêmes que pour « koshu »古酒). Dans le cas de blends de « kusu », le nombre d’années retenu sera celui de la boisson la plus jeune des deux. Les spécialistes remarquent qu’avec le temps un awamori révèlera des notes de vanilles et verra son panel aromatique s’enrichir. À la différence des alcools occidentaux (whiskys ou brandys) dont le vieillissement sera stoppé au moment où ils passeront du fût à la bouteille, les éléments inhérents à l’awamori lui permettent de continuer à vieillir et de gagner en douceur même après cette étape. Cela dit, au bout d’un siècle ou deux, il aurait été fort probable néanmoins que la boisson ne se mue en un simple vinaigre si son propriétaire n’appliquait pas une technique ancestrale qui consistait à ajouter régulièrement à la boisson vieillie une dose de sa version plus jeune.

Comment se boit l’awamori ?

Les habitants d’Okinawa le boivent allongé d’eau avec grand renfort de glaçons. Les boissons vieillies seront elles généralement dégustées sur glace. Par ailleurs, la grande popularité de la mixologie ces dernières années a permis d’explorer plus efficacement le potentiel de l’awamori sous forme de cocktails.

Une appellation pour l’awamori ?

Vous trouverez sur les étiquettes la fameuse GI Ryūkyū. Celle-ci a été désignée en 1995 puis modifiée en 2018. Seuls les awamori utilisant du kurokōji et de l’eau d’Okinawa, et dont toutes les étapes de fabrications ont été réalisées à Okinawa (avec un alambic à distillation simple) peuvent prétendre à cette appellation.

Petit rappel ?

  1. Boisson faible en calories (pas de glucides) & 0% de sucres
  2. Différence avec le shochu : la variété de riz utilisée, le type de kōji employé + le choix de la distillation atmosphérique.

Les prix du jury Kura Master :

Liste des distilleries d’awamori :

Il en existe 46 dans la préfecture d’Okinawa. Vous pouvez être certain que chacune d’entre elles élaborent une boisson dans laquelle se reflète toute la beauté de cette région, la douceur de ce climat et l’excellence des matières utilisées.

NORD DE L’ÎLE PRINCIPALE :

CENTRE DE L’ÎLE PRINCIPALE :

SUD DE L’ÎLE PRINCIPALE :

RÉGION NORD DE NAHA

RÉGION DE MIYAKO

RÉGION DE YAEYAMA

En savoir plus :

Crédit photos :

https://osakefreak.com/25043
https://thirstmag.com/drinks/What-is-Awamori-and-how-is-it-made

Il est des terres qu’il est plus facile d’explorer que d’autres. Le monde du saké peut sembler bien obscur et très difficile d’accès à qui ne maîtrise pas le lexique adéquat ou du moins à qui n’a pas deux ou trois bases susceptibles de lui servir de repères pour avancer dans cette nuit quasi-noire et pleine de kanjis.

Nous allons revenir au cours de ces futures semaines sur les principales catégories de saké, de manière à vous éclairer quelque peu et peut-être éventuellement affermir quelques fragiles connaissances. Il vous faut d’abord savoir que derrière le simple mot de « saké » ou plus précisément de « nihonshu » se cache une boisson avec une histoire multiséculaire.

Il y a deux grandes familles de saké : le « futsūshu » (普通酒), soit l’alcool de riz ordinaire, et tout le reste, à savoir des sakés qui vont être plus travaillés, soit au niveau du riz (via l’étape importante du polissage) soit au niveau de l’adjonction ou non d’alcool par exemple. On parle pour cette catégorie qui regroupe donc des « sakés premium » (c’est l’appellation couramment employée en France) du nom un peu barbare de « tokutei-meishō-shu » (特定名称酒), autrement d’alcool à appellation particulière. Ils sont plus travaillés et donc plus chers.

Il existe une sous-famille à cette catégorie. Elle se divise en deux selon qu’il y a ou non adjonction d’alcool de brassage à une étape du processus productif. S’il n’y a aucun ajout, on parle de « JUNMAISHU » (純米酒) ou tout simplement « JUNMAI » (le troisième kanji renvoyant au saké). Et c’est sur cette première catégorie que nous allons nous attarder aujourd’hui.

Le terme peut être traduit par « riz pur ». Non pas parce qu’il n’y a pas que du riz (ce serait oublier la part prépondérante de l’eau et puis du kōji – le troisième élément cardinal dans la recette du saké) mais parce que justement, le brasseur fait le choix de ne pas ajouter d’alcool à celui qui est déjà en train d’être brassé.

La seule condition pour être un saké junmai est d’avoir été confectionné à partir d’un riz poli à hauteur de 70% (il reste donc 70% de la céréale initiale) avant d’être brassé. Le riz étant donc plus présent que dans les autres saké premium, son umami et sa sucrosité sont également plus présents. Cela parle notamment beaucoup aux Japonais qui se représentent le parfum et la douceur d’un riz venant tout juste d’être cuit.

Que se passe-t-il si le brasseur choisit d’aller plus loin dans le polissage ? C’est en effet tout à fait possible de ne pas s’arrêter à 70%, d’aller à 60% (on parlera alors de JUNMAI-GINJŌ) ou 50% voire plus (on parlera alors de JUNMAI-DAIGINJŌ). Dans ces derniers cas, le brasseur aura fait le choix d’atténuer la puissance aromatique de sa matière première (rappelons au passage qu’il n’existe pas qu’une variété de riz et que par conséquent les choix varient selon les affinités et les volontés du tōji – l’équivalent du maître de chai dans le monde de saké) pour au contraire dégager d’autres puissances arômatiques. On parlera même d’arômes ginjō (吟醸香) et d’un brassage ginjō (吟醸造り) qui sous-entendant une température plus basse et un processus plus lent.

Ces types de sakés qui demandent forcément plus de travail (un polissage plus important et un brassage plus soigné), sont souvent plus chers et considérés comme haut de gamme. La prochaine fois que vous commanderez un saké, essayez donc de repérer ces quelques indications et nous verrons la prochaine fois dans quel but un brasseur peut choisir d’ajouter de l’alcool de brassage au cours du processus.

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L’année 2024 commence bien tristement au Japon. L’archipel a été assailli par une centaine de séismes au premier jour de l’an (il s’agit malheureusement nullement d’un phénomène rarissime : les tremblements de terre puissants sont généralement suivis d’autres qui peuvent être d’une intensité moindre ou similaire et qu’on appelle alors des « répliques ») qui ont donné lieu à une alerte au tsunami particulièrement préoccupante pour tous les Japonais qui habitent sur les terres donnant sur la Mer du Japon, entre l’archipel et la Chine. Et comme un malheur ne survient jamais tout seul, un accident grave s’est produit sur l’aéroport international de Haneda où un incendie a éclaté. Toutes nos pensées vont aux familles endeuillées par cette série noire et bien évidemment aux brasseurs dont les installations ont été touchées voire entièrement détruites par les secousses…

La nouvelle année avait pourtant commencé comme toutes les autres. L’archipel japonais, qui fourmille habituellement d’activité, sous l’influence d’un peuple particulièrement industrieux et travailleur, se trouvait au repos pendant quelques jours durant lesquels les Japonais des grandes villes en profitent généralement pour retourner dans leurs provinces d’origine et renouer avec leurs familles. Il n’existe pas une seule façon de passer l’année au Japon mais il y a néanmoins des éléments culturels et culinaires qui sont bien ancrés dans l’imaginaire et la vie des Japonais.

Beaucoup résume d’ailleurs l’hiver à deux choses : les clémentines et le kotatsu, cette table basse chauffée autour de laquelle les Japonais viennent s’asseoir, tailler le bout de gras et siroter du saké. Ils le font devant la TV qui diffuse à cette période de l’année des programmes de plusieurs heures dans lesquels défilent tous les artistes, les comédiens et les humoristes populaires. Le soir du 31 est notamment marqué par une émission musicale appelée « Kōhaku Uta Gassen » mettant en lumière des chanteurs des ères Shôwa (1926-1989) Heisei (1989-2019) et Reiwa (depuis 2019) ce qui permet de donner à boire et à manger aux différentes générations de Japonais. Le programme s’interrompt un quart d’heure avant minuit pour laisser place aux images de temples dans lesquels des moines viennent sonner d’imposantes cloches afin d’apporter prospérité et félicité à leurs coreligionnaires. Les Japonais se pressent d’ailleurs dans les sanctuaires shinto ou dans les temples bouddhistes, pour effectuer la première prière de l’année, parfois dès minuit mais plus généralement durant la journée du lendemain.

Le jour de l’an, c’est l’occasion de manger des plats appelés « osechi » dont la tradition vient d’une ancienne interdiction de recourir au four et au couteau pendant les trois premiers jours de l’année. Ces plats sont copieusement arrosés de rasade de sakés achetés à l’avance et sélectionnés avec soin pour le plus grand plaisir des convives. Les jeunes reçoivent des étrennes de la part de leurs aînés et tous écrivent des cartes de vœux pour leurs proches.

Si le menu diffère donc généralement de ce que nous mangeons en France, l’essentiel demeure identique dans les grands traits : les Japonais profitent de ces quelques jours de repos pour se ressourcer en famille et déguster de délicieux mets. Quelle tristesse que ces vacances ô combien méritées aient pu être ainsi interrompues et gâchées par la cruelle facétie de la nature. Nous espérons que le peuple japonais aura bientôt de très nombreuses occasions de sourire à nouveau et nous nous engageons, avec toute l’équipe de Kura Master, à œuvrer pour aider et soutenir à notre niveau, tous ces artisans qui travaillent d’arrache-pied pour nous combler de leurs produits d’excellence.

Puissent les prochains mois de 2024 nous permettre de réaliser, ensemble, de grandes choses.

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Avec le soutien de

Ambassade du Japon en France

Association des Sommeliers de Paris Ile-de-France

CLAIR

JETRO Paris

JNTO - Japan National Tourism Organization

Sponsors diamant

Japan Awasake Association

Gifu Prefecture Sake Brewers Association

Maison Richard

Le vin en tête

Reserve Sake Association

SAGA BAR