Derrière quatre lettres, une tradition de plusieurs siècles

Vous avez certainement déjà entendu ce mot si vous vous intéressez au saké car il figure parmi les ingrédients nécessaires à l’élaboration de cette célèbre et délicieuse boisson japonaise. Il n’est toutefois pas toujours traduit ni même explicité. Or, c’est un élément indispensable pour permettre la fermentation du riz. Car si le saké est bel et bien une boisson fermentée comme le vin, elle n’est pas produite à partir d’un fruit gorgé de sucre comme ce breuvage qui fait la gloire de nombreux terroirs français. Il faut en effet un élément externe pour venir provoquer la fermentation de la céréale et c’est le kōji, une culture de spores de champignons (appelée kōji-kin en japonais et aspergillus oryzae en latin, mais souvent simplement réduite au terme kōji) qui va venir transformer l’amidon du riz en sucre au cours d’une phase dite de « saccharification ». Cela fait beaucoup de termes quelque peu barbares et malaisés à retenir, mais voici les étapes principales de ce processus :
ÉTAPE 1 : Le riz est cuit à la vapeur (80°C)
ÉTAPE 2 : Le producteur vient étaler le riz sur une toile pour le refroidir jusqu’à 40°C
ÉTAPE 3 : Le riz cuit est transporté dans une chambre spéciale appelée kōji-muro
ÉTAPE 4 : Le maître des chais vient saupoudrer le riz de ce fameux kōji.
ÉTAPE 5 : Les employés mélangent régulièrement la préparation pour l’homogénéiser
ÉTAPE 6 : Le mélange est enveloppé dans des toiles pour mieux contrôler la température
ÉTAPE 7 : Au bout de trois jours, le riz fermenté par le kōji (kōji-mai) est prêt.
Au-delà du riz, ce champignon peut être ensemencé sur d’autres céréales ou des tubercules : c’est donc lui que l’on retrouve dans la confection du shōyu (la fameuse sauce soja), du miso (la pâte soja tout aussi connue) ou bien donnant encore bien évidemment le shochu, à savoir le deuxième pilier de Kura Master.

Trois types de kōji avec des usages spécifiques
Le kōji blanc est principalement utilisé dans la fabrication des shōchū. Ce type de kōji produit une quantité importante d’amylases, ces enzymes qui vont venir décomposer l’amidon en sucres fermentescibles, équilibrant la fermentation et donnant des boissons avec une acidité faible, convenant parfaitement aux shōchū modernes (en particulier les mugi-shochu ou imo-shochu pour lesquels le kuramoto veut faire ressortir le goût des aliments premiers).
Le kōji noir est traditionnellement utilisé pour élaborer l’awamori. Aisément reconnaissable par sa couleur sombre, il produit des enzymes robustes et permet de donner des boissons avec une acidité plus marquée. Cette même acidité contribue à protéger le processus de fermentation contre des micro-organismes indésirables, ce qui est indubitablement un atout dans les régions où le climat est chaud comme celui d’Okinawa.
Le kōji jaune est la variété de kōji emblématique utilisée dans la confection du saké et parfois dans celle du miso ou du shoyu. Il est particulièrement efficace pour produire des enzymes extrêmement efficaces mais d’un autre côté, il est infiniment plus sensible aux variations de température et nécessite d’être contrôlé avec précision et rigueur. Il offre des saveurs délicates et florales, accompagnées d’une certaine sucrosité et d’un umami bien présent.
Le kōji mis en lumière par une reconnaissance mondiale
L’UNESCO est une organisation internationale dont le siège social se trouve à Paris. Si les missions des délégations nationales auprès de l’UNESCO sont multiples, l’objectif initial demeure inchangé depuis 1945 : construire du mieux que possible la paix dans le monde en construisant des sociétés du savoir, autour de l’éducation et l’expression, et surtout en favorisant les échanges culturels entre les différentes nations. Mieux un pays connaît ses voisins et moins (en théorie), il a envie de leur taper dessus. La culture est donc le maître-mot de l’UNESCO. L’organisation veille à ce que tout ce qui contribue à l’élévation culturelle de l’Humanité dans le monde soit tantôt promu, tantôt protégé. Elle part du principe que nous avons un patrimoine mondial et son rôle est de le rendre inviolable. Ce patrimoine peut être matériel et particulièrement visible comme l’emblématique Grande Muraille de Chine ou notre Mont-Saint-Michel (l’organisation n’a toutefois pas encore tranché sur le fait que ce monument puisse être Normand ou Breton), concerner une petite abbaye, une réserve naturelle, une île, un port ou une partie d’une ville. Mais il peut aussi être immatériel et concerner un savoir généralement ancestral : la danse du tambour des inuits, le fest-noz breton, la culture du sauna finnoise etc. C’est sur cette liste que le gouvernement japonais a souhaité voir figurer les méthodes traditionnelles de brassage japonais à base de kōji. Les délibérations ont lieu au sein d’un comité intergouvernemental qui a rendu son verdict début du mois. Un travail pédagogique a dû être effectué pour renseigner les pays-membres sur ce en quoi consistent ces techniques. Et c’est ce à quoi les cadres de Kura Master se sont attelés brillamment, en français, en anglais et en japonais. Les efforts de nos présidents, de nos membres et de notre équipe ont payé puisque l’UNESCO a accepté la proposition japonaise et que depuis, les techniques de kuramoto sont désormais inscrites au patrimoine de l’humanité… pour l’éternité !
En savoir plus :
- Qu’est-ce que le koji ? (FR)
- Traditional knowledge and skills of sake-making with koji mold in Japan (ENG)
- Juste une cuillère de koji (FR)
Crédit Photos : https://www.hakko-biyori.com
Tandis que le saké est depuis longtemps dans les petits papiers des sommeliers les plus éclairés de notre pays et que le shochu a gagné les faveurs du monde de la mixologie, il n’est guère exagéré de dire que le monde de ces alcools japonais demeure malgré tout assez opaque pour le néophyte et affirmer avec force que certains termes mériteraient sans doute des éclaircissements.
Pourquoi ce choix ? Parce que cette sorte de kōji a pour mérite de mieux contenir l’activité des micro-organismes qui vont permettre l’élaboration de cette boisson, sous un climat tropical et humide. Quant au parti d’utiliser volontairement une variété de riz étrangère, c’est parce que celle-ci étant plus dure et moins collante que les variétés domestiques, elle est d’autant plus facile à travailler (elle facilite ainsi la gestion de la température lors de la fermentation) tout en apportant également une plus forte teneur en alcool. Les méthodes sont toutefois similaires à celles qui permettent la fermentation du riz pour produire du saké.
Les habitants d’Okinawa le boivent allongé d’eau avec grand renfort de glaçons. Les boissons vieillies seront elles généralement dégustées sur glace. Par ailleurs, la grande popularité de la mixologie ces dernières années a permis d’explorer plus efficacement le potentiel de l’awamori sous forme de cocktails.
Celle-ci a été désignée en 1995 puis modifiée en 2018. Seuls les awamori utilisant du kurokōji et de l’eau d’Okinawa, et dont toutes les étapes de fabrications ont été réalisées à Okinawa (avec un alambic à distillation simple) peuvent prétendre à cette appellation.











