Kura Gazette

Les Grands Sakés d’Hiroshima


Il est des régions japonaises dont le nom résonne avec une sonorité différente.
Plus grave. Comme alourdie par le poids que l’Histoire leur a donné.
Hiroshima est de celles-ci.

Quiconque a déjà visité le Mémorial pour la Paix ou bien feuilleté les pages bouleversantes de Gen d’Hiroshima (de Keiji NAKAZAWA 1939-2012), le sait. Et si cette page ne pourra jamais complètement se refermer, la région a écrit depuis d’autres chapitres avec une encre plus vive, plus gaie et, modèle de résilience, elle a su renaître en phœnix pour devenir aujourd’hui, l’une des places culturelles les plus vibrantes de l’archipel.

Nous passerons rapidement ici sur l’okonomiyaki locale (qui mélange à la galette d’Osaka – avec qui elle se dispute tantôt joyeusement tantôt farouchement la paternité du plat – des soba) particulièrement gourmande et succulente et dont vous pourrez retrouvez la recette très facilement, pour nous attarder sur la qualité de leurs huîtres réputées dans tout le Japon pour être dodues et délicieusement juteuses : les Japonais apprécient les manger plutôt grillées ou frites, mais rien n’empêche le visiteur en goguette sur le port d’en boulotter une douzaine crues (tant que l’appétit suit car elles sont de taille et en vérité une ou deux se suffisent largement ) ! Plus de 300 producteurs œuvrent dans la région et en font la plus grande ferme ostréicole nipponne. Depuis 2023, la société Kunihiro les exporte surgelées (directement dans leurs coquilles) vers l’Europe, permettant aux gourmets de notre pays, non pas de tirer un trait sur la production française, mais plutôt de savourer un produit différent de celui auquel il est accoutumé. C’est d’ailleurs autour de ces huîtres et des fruits de mer que Xavier THUIZAT (président de notre concours « saké japonais » et accessoirement l’un des meilleurs sommeliers français) accompagné de Sonia BICHET (Meilleure Ouvrière de France en poissonnerie 2023) ont imaginé le Prix Alliance Gastronomie 2025 dont nos amis de chez Paripari.fr ont dressé un excellent compte-rendu, émaillé de magnifiques clichés.

Car Hiroshima, dont le gouverneur M. Hidehiko YUZAKI nous a fait l’honneur de sa venue lors de notre concours en mai, compte parmi les (très très) grandes régions productrices de saké. Et c’est sur quoi nous allons nous pencher à l’occasion de cet article. Il convient en préambule de prévenir notre lectorat que cette région compte parmi nos partenaires et travaille depuis des années sur le marché européen et plus particulièrement celui que scrutent tous les autres pays, le marché français.

Si le berceau du saké japonais se trouve assurément dans la région de Hyōgo, cette culture s’est ensuite répandue dans tout le pays. La région d’Hiroshima possédait une eau de grande qualité mais infiniment trop douce, c’est à dire peu chargée en minéraux (calcium et magnésium : des éléments qui favorisent la fermentation), pour convenir à l’élaboration du saké avec les méthodes connues jusqu’à la fin du XIXe siècle. Trois hommes vont œuvrer pour changer la donne et mettre cette région sur la carte du saké et accessoirement, être à l’origine de la catégorie ginjo. Ils vont ainsi s’adapter à l’eau locale, en baissant volontairement les températures pendant la fermentation, et en prolongeant la durée de celle-ci, tout en contrôlant plus précisément les levures, ce qui donnera des sakés plus délicats, plus parfumés avec des arômes floraux et fruités, ce qui donnera les sakés ginjo et permettra en 1907, lors du tout premier concours national de saké organisé par l’État japonais, d’offrir la première place à un saké de la région, provoquant un séisme dans le milieu (jusque-là dominé par les sakés de Nada et de Fushimi). Voici les trois hommes en question :

  • Senzaburō MIURA (1847-1908) : inventeur d’une technique de fermentation utilisant l’eau douce
  • Riichi SATAKE (1863 – 1958) : concepteur d’une machine à polir le riz qu’il proposera à la brasserie Kamotsuru
  • Kiyoshi HASHIZUME (1876 – 1944) :  premier directeur du département de brassage d’Hiroshima

 

La région a longtemps été l’une des préfectures qui possédait le plus de brasseries de tout le Japon. La tragédie de 1945 n’a évidemment pas été sans conséquence mais ces dernières restent nombreuses à Hiroshima. Nous en avons sélectionné sept, toutes incontournables pour l’amateur que vous êtes sûrement et qui ont, depuis 2017, récolté de nombreuses récompenses à travers les différentes éditions de notre concours :

Si vous désirez devenir incollable sur le saké, nous conseillons le livre bien nommé « Saké » de Fabien HUMBERT et Youlin LY, qui est remarquablement bien écrit et qui, par son érudition, vous donnera un très bon historique de cette boisson, en plus de vous conseiller quelques références des régions japonaises dont celle d’Hiroshima qui nous intéresse ici.