Gazette Category : Maisons

Si vous gardez en mémoire les palmarès de nos concours, il est certaines maisons japonaises dont le nom ne doit pas vous être inconnu et celui de la maison Nagai en fait partie. Lauréate de notre prix du Jury dans la catégorie Sparkling Saké en 2020 pour sa boisson « MIZUBASHO PURE » que vous pouvez désormais retrouver dans la plupart des cavistes spécialisés, sa consécration n’est absolument pas un étonnement pour qui connait l’abnégation et l’énergie inépuisable de son président.

La conception du « MIZUBASHO PURE » a exigé dix ans puis sa production a demandé pas moins de cinq années mais revenons avant tout sur la genèse de la maison Nagai. Cela fait 138 ans que celle-ci est établie et produit du saké dans le village de Kawaba (préfecture de Gunma). En 1995, M. NAGAI Noriyoshi est entré dans l’entreprise familiale et, à la suite de son frère aîné, il se trouve être aujourd’hui le VIème représentant de la brasserie Nagai. L’une de ses ambitions les plus précoces a été de produire du saké pour le vendre à l’international. C’est sa rencontre avec le milieu du vin qui aura été déterminante en lui faisant prendre conscience la différence radicale d’envergure de marché entre la boisson-phare de la France et celle de l’archipel nippon. Il s’est rapidement dit que pour parvenir à s’imposer dans d’autres pays que le Japon, il lui fallait d’une part étudier le milieu du vin et d’autre part obtenir la reconnaissance des prescripteurs de ce dernier. Avant beaucoup d’autres de ses pairs, il a très tôt remarqué que les vignerons français notamment avaient à cœur de promouvoir trois éléments cardinaux : leur Histoire, leur vision et leur philosophie, et que c’était par l’entremise de ces trois facteurs que ces derniers régulaient leur politique tarifaire.

Et voilà pourquoi M. Nagai en est venu à étudier et proposer ce qu’il appelle des « saké vintage »(ヴィンテージ酒) ou bien « saké maturé » (熟成酒) plutôt que « koshu » (古酒) dont la graphie ne le satisfait guère.  Le concept de saké maturé restait encore à définir. À l’époque, personne, ni ses parents ni le tōji qui officiait depuis longtemps dans la maison familiale, ne voulait consentir aux sacrifices exigés. Car un saké maturé demande intrinsèquement beaucoup plus de temps et de soins qu’un saké classique, aussi premium soit-il. Désireux de suivre néanmoins son idée, M. Nagai les a suppliés de le laisser tenter l’expérience sur quelques dizaines de bouteilles et a pu ainsi s’adonner à l’étude en tâtonnant pendant des années.

S’il considère le saké comme l’équivalent japonais du « vin blanc » et le jukuseishu comme l’homologue du « vin rouge », il n’avait pas à l’époque quelque chose qui aurait pu se substituer aux vins effervescents et sucrés. Ils ont alors travaillé énormément les « sakés sparkling » en s’inspirant de la méthode champenoise (seconde fermentation en bouteille) afin de produire des sakés aux bulles très fines pour les résultats merveilleux que l’on connaît. Puisque les vins de Champagne étaient minutieusement préparés en fonction de la provenance des raisins, il a cherché à élaborer des sakés effervescents en s’appuyant sur la culture doublement millénaire du saké et à partir des méthodes de fabrication du junmai.

Il y a 3 différences entre ces dernières et celles du vin effervescent :

  1. Le vigneron doit ajouter de la saccharose et de la levure. Or, la législation japonaise interdit de le faire pour le saké.
  2. Il n’est pas possible de passer non plus par l’étape du dosage qui consiste à réguler la sucrosité au vin.
  3. Le namazaké doit en outre être conservé au frais sous peine de voir son goût se détériorer, ce qui complique bien entendu toute commercialisation internationale et oblige fatalement à recourir à une pasteurisation, ce qui n’est pas le cas pour le vin.

Il semble que ces trois obstacles aient été particulièrement difficiles à surmonter. En particulier le troisième pour lequel M. Nagai raconte avoir dû sacrifier plusieurs milliers de bouteilles car il leur fallait faire chauffer jusqu’à 65 degrés des récipients contenant forcément du gaz et la partie n’a pas été simple à jouer (500 essais infructueux en 3 ans). Déterminé dans sa quête, M. Nagai viendra toutefois mener des analyses dans la région de Champagne en 2006 où non seulement ses observations lui permettront de défricher d’autres pistes mais aussi et surtout d’en apprendre énormément sur la façon avec laquelle les maisons champenoises construisent leurs marques et ont su les faire fructifier (le fameux « branding »).  À son retour au Japon, il raconte avoir de nouveau procédé à des essais qui ont débouché sur 200 échecs en deux ans mais avec malgré tout des avancées essentielles si bien qu’en 2007 la boisson était déjà presque prête et elle le fut en 2008 avec la postérité qu’on lui sait (cf. le témoignage de reconnaissance de M. Nagai lors de sa qualification au TOP2 des sakés sparkling ci-dessous).

 

En 2016, M. Nagai a monté l’Awa Saké Association dont on a déjà parlé sur notre site et au vu de l’énergie débordante de ce remarquable kuramoto, nul doute qu’il ne s’agit pas là du dernier des défis qu’il relèvera ! Il a ainsi proposé le 29 mars dernier une grande dégustation dans la Cave de Xavier Thuizat en compagnie d’ailleurs du président de notre concours « Saké » et d’un public composé de gourmets éclairés et de professionnels intrigués. Pas moins de six boissons ont été proposées :

  • Mizubasho PURE (Sparkling / Yamada-nishiki) : dispo Galerie K (360 ML ou 720 ML) ou Isse Workshop
  • Mizubasho Junmai-daiginjô Sui (Yamada-nishiki) dispo Galerie K (ici) ou Isse Workshop (ici)
  • Mizubasho Junmai-daiginjô Premium (Yamada-nishiki)
  • Mizubasho Yukihotaka (Sparkling / Yukihotaka)
  • Mizubasho Yukihotaka Junmaidaiginjo (Yukihotaka)
  • Mizubasho Yukihotaka Dessert Sake (Yukihotaka)

Vous pouvez aisément deviner que trois d’entre elles ont été confectionnées à partir d’une variété de riz qui compte parmi les plus chères au Japon : yukihotaka (雪ほたか). Il s’agissait d’une première dégustation en France et devant le ravissement dans lequel ont été plongés les invités, il ne serait pas présomptueux de parier sur une plus large diffusion de ces boissons ultra qualitatives à l’avenir. Des accords ont été proposés en partenariat avec le MOF Romain Leboeuf dont vous savez désormais toute la part qu’il prendra lors de notre prochaine édition. Son foie gras (obtenu sans gavage des oies) exceptionnel est par ailleurs disponible à sa boutique du 37, avenue Félix Faure et vous auriez tort de vous en priver !

Nous vous encourageons à suivre l’actualité de cette maison si désireuse de faire connaître ses produits d’excellence sous nos latitudes et nous en reparlerons de toute façon sur nos réseaux !

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Le représentant de la famille Nakazono, qui tient les rênes de la maison Jyotokuya (常徳屋), est intarissable quand il s’agit de parler de ses ancêtres. D’une nature joviale et d’un sourire franc et sincère, il vous guide dans sa brasserie en répondant à toutes vos questions techniques tout en émaillant ses réponses d’anecdotes ayant trait à la région, au temple voisin et à l’histoire de sa maison.

Ce n’est pas un hasard en effet si le brasseur avait donné rendez-vous à notre équipe à quelques minutes à pied près de sa brasserie, dans le temple « Hongan-ji Yokkatsu-shi Betsu-in » d’où quasiment tout part. C’est en effet il y a plus de 230 ans que le premier représentant de la famille connu commence à commercer dans les parages. Du moins c’est ce qu’atteste sa pierre tombale, toujours présente non loin du temple. Il a commencé par établir sa maison en fabriquant et en vendant des cigarettes. Ce commerce a duré jusqu’en 1904, date à laquelle le gouvernement japonais fait une opa sur ce secteur en établissant un véritable monopole autour du tabac. Les Nakazono se sont donc détournés de cette première activité pour brasser du saké en se basant sur la qualité de l’eau locale. La brasserie a brassé du saké jusqu’en 1984 : à partir de là, elle s’est insérée dans un système coopératif tout en se lançant dans la production de shochu. La maison est devenue pleinement indépendante en 2003 et se fraye aujourd’hui une place parmi les grandes de Kyūshū.

Après une visite des installations, sous le regard attentif de son fils, appelé à embrasser la même profession, M. Nakazono a mené nos compatriotes dans une salle où ils ont pu s’atteler à ce pourquoi ils ont voyagé aussi loin : une dégustation des produits de la maison.

Nos amis ont pu dégoûté plusieurs déclinaisons de la gamme emblématique de Jyotokuya, le « USA Bozu » qui était reparti avec une belle médaille de platine lors de notre concours en 2022. Mais aussi à des choses peut-être plus rares et plus surprenantes comme le shochu vieilli dans des fûts de calvados.

Nous reviendrons à l’occasion de vidéos sur les dégustations commentées et sur les accords proposés par les membres de nos jurys mais remercions ici dans le petit espace qui nous est alloué, la gentillesse et l’hospitalité de nos hôtes pour toutes leurs explications et le merveilleux accueil qu’ils nous ont réservé.

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Nous avons vu la dernière fois les raisons pour lesquelles Kura Master organisait de façon régulière des séjours d’étude au Japon pour les membres de ses jurys et nous avons pour l’occasion suivi l’arrivée des 9 participants au voyage de cette année dans la préfecture d’Ōita. Retour en photos sur la suite du voyage et la continuité de leur périple dans la (très belle) île de Kyūshū.

La première étape studieuse a consisté en la visite des établissements de la maison Sanwa Shurui (三和酒類) dont la renommée est assurée dans l’archipel depuis plusieurs décennies : sa gamme emblématique « iichiko » compte parmi les mugi-shochu les plus consommés et les plus connus dans et en dehors de l’archipel. La maison a été créé en 1958 à partir d’un rassemblement de trois brasseries de sakés de la ville d’Usa (préfecture d’Ōita) dont la marque apparaît toujours aujourd’hui dans le nom de la maison.

Autour d’un « Kōji Project » de son cru, celle-ci cherche à se développer autour de 4 piliers qui parleront à nos lecteurs les plus conscients : le craft, la région, la culture et la nature (soit CCRN – cf. photo). L’une des devises de l’entreprise est de toujours viser une amélioration qualitative fût-elle d’1 seul millimètre. Elle fait valoir une démarche originale en rappelant que si elle s’est reposée par le passé comme bien d’autres maisons sur les seules conclusions d’un tōji, elle dit préférer aujourd’hui s’en remettre à l’expertise et aux affinités de plusieurs personnes formant un panel, dont la mission est de tester quotidiennement la production. Ce même panel vérifie aussi une fois par mois le genshu afin de vérifier aucune variation dans le résultat obtenu. Pour une seule raison, nous assure-t-elle sur son site officiel : même si les chiffres leur assurent une stabilité, ils préfèreront toujours s’en remettre au jugement de l’homme pour valider quoi que ce soit. C’est aussi pour ça que le goût de leur gamme « iichiko » a évolué et que leurs boissons ne sont plus les mêmes qu’il y a un, cinq ou dix ans. Leur credo est de viser une amélioration qualitative constante et ils n’ont de cesse de l’appliquer. Ils ont par ailleurs développé en collaboration avec la préfecture une variété d’orge à deux branches appelée « nishi no hoshi » (L’étoile de l’Ouest) à partir de laquelle ils ont concocté du mugi-shochu. Cela leur a permis non seulement de développer leur production mais aussi de travailler sur le localisme et d’entraîner avec eux les cultivateurs locaux (ils sont désormais 140 à cultiver cette variété ce qui en a fait quadrupler la production en vingt ans – 4400 tonnes aujourd’hui) et donc fatalement la productivité de la région.

Lors de leur visite, nos neufs compatriotes se sont retrouvés à revenir sur les bancs de l’école et à écouter les discours à la fois très précis et très didactiques de M. Nishi le vice-CEO et M. Wada le directeur général de la maison. Certains d’entre eux prenaient en note en suivant la bonne vieille méthode du papier et du crayon, quand d’autres griffonnaient plutôt sur leur smartphone. La visite à travers les locaux fut ensuite l’opportunité pour les membres de nos jurys de se glisser dans les habits d’un brasseur et de travailler directement la matière première, à savoir ici principalement l’orge, dont ils ont pu constater l’évolution au cours des différents stades de la production, avant de s’atteler à ce pourquoi ils étaient venus et attendus : une dégustation de plusieurs produits de la maison, une belle déclinaison de la gamme « iichiko ».

La dégustation s’est déroulée dans la même ambiance studieuse que depuis le début de la visite. Les membres du jury de Kura Master ont eu à coeur de commenter chaque bouteille proposée en accompagnant leurs commentaires de propositions d’accords ou des suggestions de recettes de cocktail qui leur venaient en tête.

Nous reviendrons sur ces suggestions à l’occasion d’une vidéo que nous sommes actuellement en train de réaliser et qui s’axe principalement sur les commentaires réalisés par chacun de nos membres au cours de ce séjour mais cette visite fut, non seulement enrichissante sur le plan humain mais également très passionnante de par son contenu. Grâce aux explications appuyées par des présentations visuelles très compréhensibles, nos compatriotes sont entrés de plain-pied dans le monde du mugi-shochu et brûlaient dès le premier jour d’en savoir davantage sur les potentialités de cette boisson à base d’orge.

Une brève pause dans les champs voisins de cette céréales leur a permis d’en apprendre un peu plus, tout comme la proposition de deux cocktails effectués par le barman Yuta SHIMOHATA venu spécialement de la ville de Nakatsu.

Cette première visite a lancé merveilleusement le séjour de nos membres du jury qui ont pu voir au plus près et les installations d’une grande maison comme Sanwa Shurui, et les acteurs qui travaillent jour après jour à produire des mugi-shochu d’une qualité aussi grandissante qu’impressionnante.

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Il est des producteurs qu’il faut connaître comme il est des villes qu’il faut visiter. Pour la culture d’une part et puis surtout parce qu’il serait extrêmement dommage de passer à côté. Le patron de la brasserie éponyme, M. Hideyuki TAKIZAWA est une de ces personnalités extrêmement sympathiques et enthousiastes qu’il pourrait facilement et sans exagération aucune, relancer l’économie de deux ou trois pays avec son sourire, ses projets et son énergie.

Membre de la Japan Awasake Association, il avait fait le déplacement jusqu’à Paris l’été dernier et nous avait honoré de sa visite lors de notre cérémonie de remise des prix de Kura Master 2023. C’est à cette occasion que nous nous étions promis de nous revoir et nous sommes donc allés dans la ville de Fukaya (深谷市) située dans la préfecture  de Saitama, à la rencontre de celui qui représente la sixième génération de brasseurs de sa famille et qui a toujours une petite anecdote qui remonte à son enfance ou un bon mot chargé de l’Histoire locale lorsqu’il effectue la visite de ses installations.

Il importe avant tout de savoir que cette ville est connue comme étant le lieu de naissance d’Eiichi SHIBUSAWA, un industriel japonais dont la vie a été particulièrement longue (1840-1931), pleine de péripéties (après avoir projeté d’incendier des demeures habitées par des étrangers lors de la fin du Bakufu, il décide de prendre part à la délégation japonaise qui part pour l’Exposition Universelle de Paris de 1867 et se convertit aux idées occidentales), et décisive au regard de l’histoire japonaise : on dit de lui qu’il est le père du capitalisme japonais et il sera d’ailleurs sur tous les billets de 10.000 yen dès l’année prochaine. Vous trouverez sa demeure natale à Fukaya non loin de la brasserie qui nous intéresse aujourd’hui.

M. Takizawa n’est pas peu fier de la cheminée qui trône dans sa cour. La hauteur de celle-ci témoigne plus d’une volonté publicitaire que d’une commodité technique mais elle a résisté à un séisme survenu vers les années 1930 et porte encore les impacts de balles tirées par les soldats US au moment de leur retrait. La brasserie, aimée de toute la ville et appréciée de la clientèle locale, est familiale : M. Takizawa travaille avec son épouse et compte 5 autres employés. Il a hérité l’enseigne de son père et en grand amateur de la musique et de la culture occidentales, il œuvre aujourd’hui à trouver des débouchés à l’étranger pour ses boissons.

Il est également membre de la Japan Awasake Association et propose dans ce cadre un « Hitosuji » dont les déclinaisons remportent régulièrement des médailles depuis 2019 dans notre concours : sa déclinaison « Kikuizumi Hitosuji Ray » s’est placée parmi les finalistes 2022 et 2023.

 

 

 

 

 

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Avec le soutien de

Ambassade du Japon en France

Association des Sommeliers de Paris Ile-de-France

CLAIR

JETRO Paris

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Gifu Prefecture Sake Brewers Association

Reserve Sake Association

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