Il est des terres qu’il est plus facile d’explorer que d’autres. Le monde du saké peut sembler bien obscur et très difficile d’accès à qui ne maîtrise pas le lexique adéquat ou du moins à qui n’a pas deux ou trois bases susceptibles de lui servir de repères pour avancer dans cette nuit quasi-noire et pleine de kanjis.
Nous allons revenir au cours de ces futures semaines sur les principales catégories de saké, de manière à vous éclairer quelque peu et peut-être éventuellement affermir quelques fragiles connaissances. Il vous faut d’abord savoir que derrière le simple mot de « saké » ou plus précisément de « nihonshu » se cache une boisson avec une histoire multiséculaire.
Il y a deux grandes familles de saké : le « futsūshu » (普通酒), soit l’alcool de riz ordinaire, et tout le reste, à savoir des sakés qui vont être plus travaillés, soit au niveau du riz (via l’étape importante du polissage) soit au niveau de l’adjonction ou non d’alcool par exemple. On parle pour cette catégorie qui regroupe donc des « sakés premium » (c’est l’appellation couramment employée en France) du nom un peu barbare de « tokutei-meishō-shu » (特定名称酒), autrement d’alcool à appellation particulière. Ils sont plus travaillés et donc plus chers.
Il existe une sous-famille à cette catégorie. Elle se divise en deux selon qu’il y a ou non adjonction d’alcool de brassage à une étape du processus productif. S’il n’y a aucun ajout, on parle de « JUNMAISHU » (純米酒) ou tout simplement « JUNMAI » (le troisième kanji renvoyant au saké). Et c’est sur cette première catégorie que nous allons nous attarder aujourd’hui.
Le terme peut être traduit par « riz pur ». Non pas parce qu’il n’y a pas que du riz (ce serait oublier la part prépondérante de l’eau et puis du kōji – le troisième élément cardinal dans la recette du saké) mais parce que justement, le brasseur fait le choix de ne pas ajouter d’alcool à celui qui est déjà en train d’être brassé.
La seule condition pour être un saké junmai est d’avoir été confectionné à partir d’un riz poli à hauteur de 70% (il reste donc 70% de la céréale initiale) avant d’être brassé. Le riz étant donc plus présent que dans les autres saké premium, son umami et sa sucrosité sont également plus présents. Cela parle notamment beaucoup aux Japonais qui se représentent le parfum et la douceur d’un riz venant tout juste d’être cuit.
Que se passe-t-il si le brasseur choisit d’aller plus loin dans le polissage ? C’est en effet tout à fait possible de ne pas s’arrêter à 70%, d’aller à 60% (on parlera alors de JUNMAI-GINJŌ) ou 50% voire plus (on parlera alors de JUNMAI-DAIGINJŌ). Dans ces derniers cas, le brasseur aura fait le choix d’atténuer la puissance aromatique de sa matière première (rappelons au passage qu’il n’existe pas qu’une variété de riz et que par conséquent les choix varient selon les affinités et les volontés du tōji – l’équivalent du maître de chai dans le monde de saké) pour au contraire dégager d’autres puissances arômatiques. On parlera même d’arômes ginjō (吟醸香) et d’un brassage ginjō (吟醸造り) qui sous-entendant une température plus basse et un processus plus lent.
Ces types de sakés qui demandent forcément plus de travail (un polissage plus important et un brassage plus soigné), sont souvent plus chers et considérés comme haut de gamme. La prochaine fois que vous commanderez un saké, essayez donc de repérer ces quelques indications et nous verrons la prochaine fois dans quel but un brasseur peut choisir d’ajouter de l’alcool de brassage au cours du processus.
En savoir plus :
- Youtube : « What is junmai sake ? » (ENG)
- Livre : « Nihonshu, le saké japonais » de Gauthier ROUSSILLE
- Manger à Paris : Jinchan Shokudo ou bien Oinari