Kura Gazette

Région de Gifu : grandes batailles et grands sakés


Une région façonnée par l’Histoire  : entre batailles et daimyo en pagaille

La préfecture de Gifu, située au cœur du Japon, a durant toute son histoire joué le rôle d’un véritable carrefour stratégique et culturel, mais cela fut particulièrement le cas durant l’époque Sengoku (1467-1615), une période marquée par des conflits incessants entre seigneurs de guerre locaux pour le contrôle du pays. Les amateurs de chambara, comme on qualifie les films de  cape et d’épée locaux, le savent très bien. L’une des figures les plus emblématiques de Gifu est le très célèbre Nobunaga ODA (1534-1582), un guerrier qui marquera l’histoire du Japon en initiant justement le processus qui débouchera sur l’unification du pays, poursuivi plus tard par les deux autres hommes forts de l’histoire japonaise de cette époque (à savoir Hideyoshi TOYOTOMI et Ieyasu TOKUGAWA qui sera notamment dépeint dans la fiction ultra primée « Shogun » sous les traits du seigneur Toranaga). Ce seigneur ambitieux, que la postérité désignera sous le nom de « daimyo démoniaque », établira ses quartiers dans le château de Gifu, alors connu sous le nom d’Inabayama-jō en 1567, après sa victoire sur Tatsuoki SAITÔ, le seigneur du clan éponyme. L’histoire dit que c’est lui qui rebaptisera la ville “Gifu”, en s’inspirant des concepts chinois de prospérité et de sagesse, sur les conseils d’un moine zen influent. Cette place-forte, perchée sur le mont Kinka, deviendra le symbole du pouvoir de Nobunaga. C’est d’ici qu’il lancera ses grandes opérations militaires, notamment sa campagne qui mènera à la bataille d’Okehazama (1560) où son talent stratégique lui permit d’écraser les troupes du seigneur Yoshimoto IMAGAWA, pourtant largement supérieures. C’est également dans cette préfecture que se jouera la bataille de Sekigahara (1600) bien connue des amateurs d’oeuvres de pop-culture, dont l’issue changea à jamais la face de l’archipel puisque la victoire d’Ieyasu TOKUGAWA débouchera sur sa prise de pouvoir, l’instauration de son shogunat qui durera plus de 250 ans.

Un patrimoine culinaire envié du monde entier : excellence du wagyu & abondance halieutique

La région de Gifu a hérité au cours des siècles d’un patrimoine gastronomique qui reflète bien sa diversité géographique, allant des montagnes enneigées de Hida à la vallée fertile de Nōbi. Les spécialités locales sont élaborées à partir des . La viande de bœuf de Hida (communément appelée hida-gyū) compte comme l’une des plus prestigieuses du Japon. Provenant de bœufs élevés dans les montagnes environnantes de Takayama, cette viande se distingue par la délicatesse de son marbrage et surtout l’excellence de son goût agréablement fondant. Elle est souvent servie en steak grillé, en sukiyaki ou en shabu-shabu, mais également posée sur une feuille de magnolia grillée avec du miso (on parle alors de hōba miso). L’abondance de poissons d’eau douce dans les rivières de la région explique le développement de la pêche, notamment celle au cormoran, pratiquée dans ces latitudes depuis plus de 1 300 ans. L’ayu grillé au sel et servi avec un zeste d’agrumes locaux (comme le kabosu ou le sudachi) ravit les papilles de tous les touristes culinaires un tant soit peu gourmets.

Et concernant ce qui nous intéresse le plus…

Gifu est également une terre de production de saké, grâce notamment à la pureté de son eau et à son climat, extrêmement favorable aux activités de brassage. La préfecture compte une cinquantaine de brasseries dont certaines avec plusieurs siècles derrière elles. La douceur de l’eau de Gifu, issue de ce massif appelé « Alpes japonaises », confère aux sakés une rondeur gustative et une légère sucrosité. Les variétés de riz utilisées, telles que le hida-homare ou le yamada-nishiki sont de première qualité et leur excellence unanimement reconnue par les acteurs du secteurs. Les producteurs ne cherchent pas à inventer la roue mais juste à produire des boissons qui s’accordent bien avec les poissons et les viandes locales, ont vu au cours des dernières décennies leur travail récompensé et primé auprès de nombreux concours nationaux et internationaux. Les plus fidèles d’entre vous se rappellent peut-être que le Prix du Président de notre concours « saké » en 2023 a été notamment remporté par Yamada Shoten, une brasserie de cette préfecture.

 

 Mais ce n’est pas la seule à avoir conquis le cœur et les palais des membres de notre jury puisque la brasserie Watanabe compte également parmi les lauréats les plus réguliers de notre concours. Mais aussi la brasserie Chigonoiwa, la brasserie Iwamura, la brasserie Miwa, la brasserie Komachi, la brasserie Kawashiri ou bien encore la brasserie Kosaka dont les produits ont été au cœur d’évènements exceptionnels très récemment. Cela fait déjà une décennie que la Fédération des Associations de Brasseurs de saké de Gifu s’efforce d’organiser presque chaque année des dégustations dans différents pays européens afin de promouvoir les sakés de la région. Elle se trouvait en France le 21 octobre dernier, dans les murs du restaurant de la « Dame de pic« , pour proposer à la clientèle du célèbre établissement parisien un menu de sept plats français accordés avec des sakés produits par six brasseries de Gifu et un distributeur local. Des sommeliers français et des importateurs habitués à goûter et savourer le saké ont été conviés à cette occasion, ce qui leur a permis de se faire une très bonne idée du potentiel de la région.

RHÔNE EN SCÈNE (Lundi 21 octobre 2024)
Onnajoshu (Iwamura Jouzou)

L’HUITRE TARBOURIECH
betterave au barbecue japonais algues, livèche et bergamote
Tamakashiwa Junmai Daiginjo (Kuramoto Yamada)

LES BERLINGOTS © ASP
Camembert de Normandie AOP fumé, oignons doux des Cévennes
consommé lié à la teuille de figuier et camomille
Nagara Gawa Junmai Ultimate Dry +20 (42 degrés) (Komachi Shuzou)

LE LIEU JAUNE DE LIGNE en habit vert
brocoletti à la flamme, beurre blanc au genièvre sauge, romarin et feuille de câprier
Hyakushun Junmaiginjo Murokagenshu Jikagumi Minonishiki (Kosaka Shuzou)

LE PIGEONNEAU DE RACAN
imprégné à la lavande et feille de faustrime maïs en différentes textures, jus corsé
CHIGONOIWA Daiginjo TOYOUKE (Chigonoiwa Shuzo)

LE FROMAGE CUISINÉ
vieux Comté 24 mois A.O.P, servi tiède, prune confite, vanille fumée, baie de Tasmanie i
Junmai YAMAHIDA Genshu 2006 (Kawashiri Shuzoujou)

LE MILLEFEUILLE BLANC
vanille de Madagascar, jasmin, poivre de voatsiperifery
Shirakawago Junmaiginjo Sasanigori (Miwa Shuzo)

Un autre évènement s’est tenu sous la forme d’un séminaire à l’IFCO, une école formant les futurs sommeliers, où de nombreux étudiants étaient présents et où Mme Audrey DELBARRE, formatrice spécialisée en dégustations intuitives, a pu leur présenter les atouts et les attraits des sakés de la région de Gifu avec toute l’éloquence qui est la sienne et la pédagogie qui sied à ce genre de rencontres. Les kuramoto présents pour l’occasion ont également pu chacun leur tour vanter la qualité de leur production et répondre aux questions posées par leur auditoire.

Ces deux rencontres qui s’adressaient à des publics différents sont allées au-delà de leur objectif qui consistait à promouvoir les sakés de Gifu puisqu’ils ont permis de tisser des liens entre les producteurs de ces boissons et des prescripteurs ou des jeunes étudiants appelés à l’être bientôt, qui œuvrent en France pour mieux faire connaître la production japonaise. Nous sommes nombreux à attendre désormais les prochains évènements liés à cette région qui se tiendront en France et nous ne saurons que trop vous encourager à l’inscrire à votre (probablement déjà longue) liste de lieux à visiter lors de votre prochain voyage au Japon.

En savoir plus :

 

Crédit photo : Slate (Shogun)

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