Kura Gazette

L’alcool nippon par excellence : le nihonshu


Si vous êtes parvenu sur cette page, c’est que vous êtes sinon passionné a minima intéressé par le saké. Kura Master est un concours  initialement basé sur cette boisson japonaise dont la popularité est croissante en France. Nous vous en livrons ici les origines historiques et mythologiques. Bon voyage dans le temps !

Un lexique à affiner

La boisson que nous appelons saké est appelée nihonshu au Japon. Le terme saké est en effet une appellation générale qui renvoie à n’importe quelle boisson alcoolisée, que celle-ci soit un cocktail acidulé industriel ou bien une excellente vodka finlandaise. À l’oral, cette appellation est précédée d’un préfixe qualifié d’honorifique « o » (o-saké) que l’on retrouve dans d’autres termes comme l’argent (o-kané), le bain (o-furo) ou bien encore les baguettes (o-hashi), et sans lequel le niveau de langage de celui qui parle baisse d’un cran, frôlant alors une familiarité qui peut être déplacée. Une bonne façon de s’en rappeler est de se dire « qu’un bon saké sans eau fait grimacer » !!

À l’inverse, le mot nihonshu qui signifie littéralement « alcool du Japon » cible uniquement cette boisson qui nous intéresse et qui se heurte toujours tristement à des aprioris fort malheureux dans notre pays. Le nihonshu ou, puisque le terme est désormais dans notre langue, le saké japonais, est élaboré à partir de riz, d’eau, de levures et d’un dernier élément qui échappera peut-être à la compréhension du néophyte : le kôji (麹).

Après avoir fait cuire le riz, l’artisan va en effet en champ ponctionner une partie pour la mélanger à un champignon dont l’essence le rapproche de la moisissure de nos fromages (et qui est appelé kôji-kin 麹菌 en japonais) dans le but de transformer l’amidon présent dans le riz en sucre, ce qui rendra possible ensuite une fermentation alcoolique (grâce à l’ajout de levures qui, à leur tour, transformeront le sucre en alcool).

Outre le savoir-faire et le niveau de technicité de l’artisan, la qualité d’un saké dépend donc de la variété et de la qualité du riz utilisé, tout comme de la pureté de l’eau employée. Les kuramoto (producteur de saké) ne s’y trompent pas et cherchent à mettre en avant l’environnement naturel dans lequel ils se sont installés. Quant à la catégorisation des sakés, si peu compréhensible pour le néophyte non-japonisant, elle dépend d’autres facteurs sur lesquels nous reviendront une prochaine fois en détails.

Aspergillus oryzae (麹) eaux minerales types Koshihikari and calrose rice

Le prémâchage : une étape heureusement passée à la trappe

Devant les ingrédients indispensables à l’élaboration de cette boisson, nous pouvons en déduire que son apparition coïncide probablement avec les débuts de la riziculture au Japon, c’est à dire durant la période Yayoi (Entre 300 av. JC et 300 ap. JC) même si des spécialistes défendent aujourd’hui l’hypothèse d’un enracinement plus ancien encore. Jusqu’ici, tout est logique : sans riz, il serait difficile de faire un alcool de riz…

Par ailleurs, les techniques rizicoles étant passées de la Chine antique aux actuelles régions du Kyūshū et du Kansai, avant de se diffuser dans le reste de l’archipel, il est probable que ce soit avant tout dans ces régions que les premiers sakés furent fabriqués. Quoiqu’il en soit la plus ancienne mention du saké japonais se trouve dans un des fūdoki qui nous sont parvenus, ces registres commandés par l’impératrice Gemmei en 713, qui compilaient l’essentiel des coutumes et traditions des différentes provinces japonaises dont certaines étaient alors déjà éteintes ou en passe de l’être. Les textes mentionnent une boisson que le japonais moderne connait sous le nom de kuchikamizake et dont le processus d’élaboration diffère de celui du saké que nous connaissons.

La fabrication de cette boisson alcoolisée s’inscrivait au cœur de rituels shintoïstes, la religion ancestrale du Japon. De jeunes femmes vierges, considérées comme sacrées car au service des divinités, mâchaient donc du riz cuit pour le mélanger à leur salive, avant de recracher ensuite le liquide obtenu dans un récipient, que le prêtre du temple laissait reposer plusieurs jours.

Cette démarche, qui nous semble aussi cocasse que peu ragoutante, n’est pas anodine. Pendant la mastication, les enzymes présents dans la salive viennent en effet attaquer l’amidon du riz et transformer celui-ci en glucose (les scientifiques parlent d’un phénomène de glycation), qui sera ensuite fermenté en alcool grâce aux levures présentes naturellement dans l’air. Avec le temps, le ferment salivaire sera progressivement remplacé par le kôji que nous avons explicité plus haut. Plus personne ne fabrique évidemment plus de saké de cette manière, mais on peut noter une proximité linguistique claire entre le verbe renvoyant à l’action de brasser de l’alcool (kamosu) et l’action de mâcher (kamu). Par ailleurs, les férus de japanimation connaissent sûrement le film Your Name de Makoto Shinkai dans lequel une scène montre l’héroïne confectionner ce genre de saké avec sa sœur.

Le premier saké japonais était-il divin ?

La toute première boisson alcoolisée de l’histoire japonaise semble avoir eu, sinon un goût divin, du moins une origine divine. C’est le texte du Kojiki qui la mentionne : d’après l’évocation qui en est faite, il ne semble toutefois pas que cette boisson ait été tirée du riz, comme le nihonshu, mais plutôt de noix et de fruits.

Dans la mythologie japonaise, Susanô est présenté comme le frère d’Amaterasu, la déesse éblouissante du Soleil et le dieu régnant sur les mers. D’une nature colérique, instable, lunatique et capricieuse, c’est un personnage ambigu qui n’a de cesse tantôt de harceler son père pour lui demander la permission de pénétrer dans les Enfers où se trouve sa mère, tantôt de chercher des noises à sa sœur. C’est d’ailleurs au terme d’une brouille avec celle-ci qu’il se retrouve expulsé des hauteurs célestes, et qu’il arrive à Izumo, une ancienne province japonaise.

Là, il rencontre un couple de vieillard et leur fille nommée Kushinada, qui lui racontent en pleurant qu’un monstre doté de 8 têtes et de 8 queues, vient tous les ans leur dévorer une de leurs 8 filles, et qu’il reviendra demain pour leur ôter la dernière. Ému et surtout fasciné par la jeune fille, Susanô propose alors son aide contre la main de celle-ci. Les deux parents éplorés acceptent sans tarder. Susanô transforme alors leur fille en un peigne qu’il vient fixer dans sa chevelure, puis il demande aux villageois faire construire des barricades autour d’un vaste champ, avec 8 portes, devant chacune desquelles il fait entreposer une cuve remplie d’un alcool fort et doux, ayant été filtré 7 fois. Le lendemain, Yamata Orochi, monstre hideux, approche en déclenchant orages et éclairs. Attirée par l’odeur sucrée de l’alcool, l’immonde bête s’abstient néanmoins d’attaquer immédiatement et vient boire entièrement le contenu de chacune des cuves avant de s’écrouler de sommeil.

Susanô en profite alors pour trancher une à une toutes les têtes du monstre, et faire de même avec chacune de ses queues. Au moment de trancher la toute dernière, son arme rencontre néanmoins une certaine résistance. Il plonge ses mains dans l’appendice de la créature et en sort une magnifique épée longue (la lame kusanagi-no-tsurugi qui comptera parmi l’une des trois reliques sacrées légitimant le trône impérial japonais). Après avoir terrassé le monstre, Susanô se maria avec la princesse et offrit l’épée sacrée à sa sœur en guise de réconciliation. Il s’installa à Izumo et honora sa femme le tout premier waka de l’Histoire.

Voilà. Vous avez donc une double piste pour remonter jusqu’aux origines du saké. Nous reviendrons la prochaine fois sur les différentes catégorisations de cette boisson.

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