Gazette Category : Chronique de Kei

Passionnés de sakés de tous horizons, bonjour !

Nous sommes revenus au cours des deux dernières chroniques sur la présence d’aminés dans cette boisson japonaise et sur l’absence de sulfites. Nous allons aujourd’hui évoquer l’excellente potentialité d’accords du saké avec les plats que l’on peut qualifier d’acides et qui sont parmi les plus difficiles à accorder pour un sommelier.

La méthode de fabrication du vinaire est connue  depuis l’Antiquité et a été diffusée dans le monde entier en parallèle de celle de l’alcool. Il suffit d’ailleurs de s’intéresser à l’étymologie pour le comprendre : le terme français « vinaigre » ne vient-il pas à l’origine de la combinaisons entre les mots « vin » et « aigre » ? Par ailleurs, une des plus anciennes mentions du vinaigre au Japon se trouve dans la célèbre compilation poétique « Manyôshû » qui date de la période Nara (VIIIème siècle) et tous les Japonais bûchent à l’école sur le passage qui fait justement référence à sa consommation contemporaine.

Dans la Cour impériale de cette époque, les plats étaient marinés dans du vinaigre ou du sel avant d’être consommés. Beaucoup plus tard, dans les années 1820, on commença à mélanger du riz cuit à du vinaigre et à le manger avec du poisson : les premiers sushis apparaissaient (sous le nom de « haya-zushi ») et étaient vendus dans de nombreuses échoppes d’Edo, l’ancien nom de Tokyo. Ce plat était consommé avec du saké, le seul alcool disponible dans l’archipel, avec lequel il s’accordait merveilleusement bien.

Les scientifiques utilisent le mot quelque peu barbare de « tritylamine » pour expliquer et désigner le composant principal à l’origine de l’odeur si particulière du poisson. Les cuisiniers savent qu’il est possible de l’atténuer avec des assaisonnements acides tels que le miso, la sauce soja ou bien encore les jus d’agrumes. De son côté, le saké contenant des acides organiques, celles-ci viennent neutraliser les composants alcalins de cet ingrédient si consommé à travers le monde tandis que les acides aminés contribuent à en faire ressortir la saveur. Voilà pourquoi le saké se marie aussi bien avec les plats de poissons. Je me rends personnellement très régulièrement dans les écoles dispensant des formations pour les métiers de l’hôtellerie ou de la restauration, afin justement de le démontrer en pratique lors de masterclass.  Je demande aux élèves de croquer dans du citron avant de prendre une gorgée de saké de type ginjo et je laisse la magie opérer : le saké s’en trouve comme sublimé. Si vous êtes perplexe ou que vous en doutez, n’hésitez pas à faire l’expérience vous-même, et vous verrez que c’est transcendant !

Keiichirō MIYAGAWA
Président de l’Association Kura Master

 

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Après avoir évoqué nos amis les aminés l’autre jour, il nous faut nous pencher aujourd’hui sur quelque chose que les sommeliers et peut-être plus encore les amateurs de vins naturels connaissent bien : les sulfites.

Ce mot qui est depuis quelques années sur toutes les lèvres des aficionados de ces nouveaux vins revient aussi régulièrement dans la bouche des amateurs de saké. Beaucoup d’entre eux nous demandent ainsi ces derniers temps si cette boisson japonaise en contient. Tâchons d’apporter ici quelques éclaircissements.

Le saké est produit grosso modo depuis le début du XVIème siècle sans aucune adjonction de sulfites (plus par ignorance qu’autre chose en vérité). Avant l’étape dite de la pasteurisation, les levures du saké demeurent vivantes et les enzymes produites par l’action du kōji restent actives . L’action de ces micro-organismes peut donc influer sur la qualité de la boisson obtenue et même faire courir le risque de voir s’immiscer des bactéries lactiques. Si ce phénomène n’est pas soigneusement contrôlé par le kuramoto, le saké peut alors se troubler et prendre une couleur blanchâtre. Il convient donc de chauffer la boisson afin d’annihiler, sous l’action du feu, les effets des levures, enzymes et celles d’éventuelles bactéries. Cela permet également de couper court à toute versatilité opportune. C’est grâce à cette technique et à cette étape, toujours cardinale de nos jours, que le saké a pu être stabilisé et conservé assez longtemps à température ambiante.

Mais revenons aux sulfites. Ce mot peut faire peur mais il s’agit de substances naturellement présentes dans certains aliments. Prenons l’exemple de la bière : cela dépend bien sûr du type et de la variété de la levure, mais une bière contiendra environ 2,8 mg/L de sulfites naturels. Ces derniers sont également présents dans de nombreux produits alimentaires  (ex : 1 kilo de farine moulue contient 1,4 mg/L de sulfites). C’est donc littéralement très naturellement qu’on retrouve également des sulfites dans le saké japonais. Il y en a cependant très peu : à hauteur de 0,6 mg/L, soit une teneur largement inférieure à celle des vins naturels, qui est de 10 mg/L (au-delà de cette limite, la Loi oblige le producteur de le préciser sur l’étiquette).

Si vous aimez et consommez les vins naturels, sachez que le saké japonais se marie très bien aussi avec les crustacés et les fruits de mer. Il convient aussi parfaitement, non seulement aux omelettes mais aussi aux œufs mollet dont le jaune est particulièrement fondant.
Vous ne me croyez pas ? Essayez donc et vous verrez, vous adopterez le saké  !

Keiichirō MIYAGAWA
Président de l’Association Kura Master

 

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Vous savez tous ou vous avez peut-être déjà probablement entendu que le saké contient ce qu’on appelle de l’umami. Ce terme japonais désigne un des cinq goûts de base que l’être humain est capable d’identifier (avec le sucré, l’acide, le salé et l’umami). Dans la cuisine japonaise traditionnelle, on le retrouve typiquement dans le dashi, ce bouillon de base utilisé par exemple dans la soupe miso et souvent réalisé à partir d’algues kombu ou de bonite.

C’est un grand chimiste japonais de l’ancienne université Impériale de Tokyo, M. Kikunae IKEDA (1864-1936) qui est parvenu en 1908 à extraire des fameuses algues kombu un type d’acide que l’on qualifie de glutamique (appelée aussi couramment le glutamate). Après avoir identifié cet acide comme le composant principal du bouillon que les Japonais en tiraient, il lui donna ce fameux nom qu’on lui connait. Plus tard, d’autres scientifiques comprirent que l’acide inosinique contenu dans la bonite séchée ou bien l’acide guanylique compris dans les shiitake séchés étaient également de l’umami et, à l’occasion du premier colloque international qui fut dédié à l’umami en 1985, il fut décidé que désormais ce serait ce terme, transcrit en lettres occidentales, qui serait adopté pour décrire « cette nouvelle saveur ». Quant au chimiste qui a initié cette aventure, il fondera plus tard l’entreprise Ajinomoto que tout le monde connaît aujourd’hui et figure dans le TOP10 des inventeurs japonais qui ont le plus compté dans l’Histoire de l’archipel.

Mais l’umami n’est bien évidemment pas le seul acide aminé qui nous importe. Dans le monde vivant, on en dénombre une très grande quantité. Citons par exemple l’acide succinique qui se trouve notamment dans les coquillages, l’acide glutamique cité ci-dessus ou bien encore l’acide aspartique que l’on trouve dans les asperges ou les edamame.

Dans le cas du saké, les acides aminés sont produits abondamment au moment où les enzymes du kōji viennent décomposer les protéines du riz dans les premières étapes de la confection. Les protéines contenues dans les variétés de riz élevées pour donner du saké sont principalement concentrées dans l’enveloppe externe du grain. Voilà pourquoi, si vous comparez un daiginjō (variété de saké produit à partir d’un riz ayant subi un polissage important  en amont) avec un simple junmai, l’un aura tendance à comporter davantage d’umami que l’autre, et c’est naturellement celui dont le riz aura été le moins poli.

Pour mesurer la proportion d’acides aminés, on dispose de l’indice éponyme qui se situe entre 1.0 et 2.0 pour la plupart des sakés. Il est généralement indiqué sur l’étiquette de la bouteille, juste au-dessus de la proportion d’alcool. Plus cet indice est bas et moins la boisson contient d’acides aminés, ce qui donne des sakés rafraichissants. À l’inverse, plus cet indice est haut, et plus la boisson contient d’acides aminés, ce qui donne des sakés riches avec beaucoup d’umami. À titre d’exemple, l’indice moyen pour un junmai est de 1.53 ce qui est plus haut que les ginjō ou les honjōzō. Il existe aussi des disparités entre les régions productrices et on peut remarquer que la préfecture de Tottori produit des boissons avec un indice moyen de 1.91, ce qui est supérieur aux autres régions japonaises.

Voici un élément de plus à prendre en considération pendant vos dégustations !
Keiichirô MIYAGAWA

 

 

 

 

 


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